En effet, oui, à Paris, le général Eric Vidaud, chef de la DRM, le renseignement militaire, a été fermement poussé vers la porte il y a quelques jours. Et le fait qu’on ne lui ait proposé aucun nouveau poste démontre bien qu’il ne s’agit pas d’une promotion.
Il y a deux raisons majeures à ce départ. Apparemment, le président Macron reproche au général Eric Vidaud de ne pas avoir réussi à recueillir, avant le début de la guerre, les renseignements démontrant la volonté de Vladimir Poutine d'envahir l'Ukraine, alors que dans le même temps les Britanniques et les Américains allaient jusqu'à prédire la date et presque l'heure du début des opérations.
Mais si vous me permettez de faire un petit point technique, il y là a un problème de compétence. En France, la DRM n'est chargée « que » du renseignement militaire, du renseignement tactique. En clair, son travail consiste à déterminer les forces de chaque belligérant, son ordre de bataille, son armement, etc.Quant à la question politique, celle de l'intentionnalité - Poutine va-t-il attaquer l'Ukraine ou pas ? -, il s'agit plutôt de renseignement stratégique. Et ça, c'est le rôle de la DGSE, la Direction générale de la sécurité extérieure. Donc il est un peu injuste de reprocher au général Vidaud de ne pas avoir fourni un renseignement décisif qui aurait dû venir d'un autre service. Et quelle est la deuxième raison de ce départ ? La DRM n'a pas fourni un bon renseignement sur les opérations sur le terrain depuis le 24 février et le début des hostilités. Et là, bien sûr, nous sommes dans le domaine de compétence propre de la DRM. C'est pourquoi on lui reproche des briefings insuffisants et un manque de maîtrise des sujets...Mais en fait la DRM paie aussi d’autres erreurs, au Mali notamment où elle n’a pas été capable de prévoir le coup d’Etat d’il y a deux ans ou encore la montée en puissance des mercenaires russes du Groupe Wagner…
Vladimir Poutine aussi semble avoir des problèmes avec ses services de renseignement….
En effet, il se dit avec insistance que Vladimir Poutine a le sentiment d'avoir été "trompé" par les chefs militaires et par ses services de renseignement qui n'ont pas réussi à l'informer de la situation réelle en Ukraine. Globalement, il semble que les agences de renseignement russes aient fourni au dirigeant russe des informations qui surestimaient les possibilités réelles de la Russie dans le pays. C’est ce qui explique qu’au tout début de la guerre, Poutine s'attendait à ce que les Ukrainiens se rendent en quelques jours, ou qu'ils renversent le gouvernement du président Zelenski. Or, rien de tout cela n'est arrivé...
Mais chez les Anglo-saxons, en revanche, tout semble aller pour le mieux…
Il est clair que la qualité du renseignement américain et britannique, tant dans l'anticipation du conflit que dans son suivi le jour même, a été et reste exceptionnelle. Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, il faut souligner que les Britanniques - parce qu'ils sont, à ma connaissance, à l'origine de beaucoup de renseignements humains sur cette guerre - ont toujours été très forts sur le bloc soviétique et la Russie. Pour eux, c'est une très vieille histoire qui remonte à plus d'un siècle, avec des hauts et des bas. Mais il est évident que Londres dispose de sources humaines de très haut niveau à Moscou, très proches du centre du pouvoir. Ensuite, bien entendu, il y a l'investissement financier énorme depuis 1945, tant en interceptions qu'en imagerie satellitaire. Toutes ces choses donnent évidemment à Washington un avantage considérable dans la collecte de renseignements bruts.